

Sur l’île, solaire et minérale, le temps s’étire jusqu’à l’abstraction. L’oeil s’aiguise au gré des variations de lumière. C’est dans un état de flottement que Lissa Gasparotto et Gabrielle Lerch ont patiemment collecté, à la manière d’enfants curieux qui remplissent leurs poches de morceaux de presque rien, les matières de cette exposition. Oscillant entre obscurité abyssale troublée par l’éclat de corps distordus et résurgences d’êtres morcelés, comme les ruines de quelques civilisations oubliées, l’espace se transforme en un écosystème étrange et foisonnant, hors du temps, hors des cartes. Les mondes aquatiques de Gabrielle Lerch, prenant la forme d’installations vidéos, de sculptures et d’éléments scénographiques, nous immergent dans des espaces troubles. Les corps ondoient parmi des fossiles de coquillages, des vers de feu, des créatures tentaculaires. Des indices d’une mutation passée ou à venir. Ces altérations de la chair se retrouvent également dans le corpus de micro-objets élaborés par Lissa Gasparotto, coulés en bronze, en argent ou sculptés dans la pierre. Annélides, mollusques, bribes de visages, ici un nez, là une oreille, échoués sur des roches urticantes, édifient de nouvelles archéologies. Ses visages, coulants et fluides, rappellent les masques mortuaires en or de la défunte Mycènes. Les expériences de création, de même que l’exercice d’une exposition à quatre mains, rejoignent l’une des nombreuses acceptions de l’acronyme S.F. proposées par la philosophe Donna Haraway : S.F ou « string figures », ce jeu de ficelles collaboratif où il est question dessiner des formes à l’aide d’un fil noué et de ses doigts. Ou encore S.F. pour Science Fiction, ou mieux, Fabulation Spéculative, et notre capacité à imaginer d’autres mondes possibles, mutants, interconnectés, en réponse à un Anthropocène morbide. Les univers de Lissa et Gabrielle s’interconnectent et se nourrissent l’un de l’autre. Leur fascination pour les formes organiques, liquides ou minérales, l’infiniment petit et la beauté immanente des éléments naturels invoque aussi la dénomination de Chthulucène , l’ère des
mondes grouillants, tentaculaires et souterrains, où l’humain devient l’humus et le Un, le Multiple. Non plus une histoire unique mais une infinité de récits possibles. Une nouvelle ère où le trouble nourrit les petits êtres hybrides désormais disséminés dans cet espace d’exposition.
𝟯𝟬.𝟬𝟲.𝟮𝟬𝟮𝟯 → 𝟮𝟵.𝟬𝟳.𝟮𝟬𝟮𝟯
𝟮𝟰.𝟬𝟴.𝟮𝟬𝟮𝟯 → 𝟬𝟵.𝟬𝟵.𝟮𝟬𝟮𝟯
Heures d’ouverture :
Jeudi, vendredi et samedi
de 15:00 à 17:30 ou sur rendez-vous à info@space-collection.org